Macron, et après ? (publié avant le 2nd tour)

Ainsi que nous l’avons déjà écrit dans deux différents textes publiés avant le premier tour, ni le libéralisme macronien ni l’extrême droite ne sont à la hauteur des enjeux actuels et de l’exigence d’une recherche du bien commun social et écologique. Cependant le premier tour est derrière nous et un nouveau contexte apparaît, il n’y a plus de troisième voie possible. Que le vainqueur soit Emmanuel Macron ou Marine Le Pen, ce sera la victoire d’un projet de casse sociale, d’injustice capitaliste et de destruction des écosystèmes. Pour le second tour il ne s’agit plus de choisir la voie du bien commun, elle n’est plus représentée. Il s’agit seulement de repousser le danger le plus imminent et le plus important.

Or, si Emmanuel Macron a été – sera encore s’il est élu sans être neutralisé par une opposition forte, d’où l’importance des élections législatives à venir – le porteur d’une grande violence capitaliste et, en cela, le facilitateur du fascisme d’extrême droite qui accompagne toujours comme son ombre le règne de l’argent, c’est la possible arrivée au pouvoir de l’extrême droite qui est danger le plus pressant. 

Outre le fait qu’il nous paraît chimérique de croire l’extrême droite réellement soucieuse et capable d’écologie, d’égalité sociale et économique, de bonne santé démocratique et de fraternité entre les peuples (qu’on regarde ce qui se passe – ou s’est passé – dans les pays gouvernés par une idéologie proche de celle du Rassemblement National, aux Etats-Unis sous Donald Trump, par exemple), il faut se rendre compte qu’une victoire du Rassemblement National aurait des conséquences tragiques sur les vies des centaines de milliers d’étrangères et d’étrangers, amis, collègues, camarades qui tout en vivant en France, avec ou sans papiers, sont privés du droit de participer à cette élection. Si, à cause de notre vote ou absence de vote, l’extrême-droite venait à arriver au pouvoir, il n’est pas à douter qu’elle appliquera les principes d’action qu’elle promeut depuis des dizaines d’années : mise au ban et discrimination d’État envers certaines catégories de population, en particulier les musulmanes et musulmans, ainsi que toutes les personnes issues de l’immigration ou vivant dans des quartiers populaires.

Voter Marine Le Pen est inconcevable, et si s’abstenir est attrayant, nous ne pouvons pas nous y résoudre. Nous voterons donc pour Emmanuel Macron.

Quant à nous, dès la sortie de l’isoloir, nous serons dans la rue, aux urnes pour les prochains scrutins, et dans les luttes pour tisser de nouvelles complicités, de nouvelles amitiés politiques et de nouvelles alliances pour faire advenir, dans la bataille sociale et écologique en cours, la fraternité évangélique.

Ce travail de terrain est celui de la constitution d’espaces, réels, théoriques ou imaginaires, à partir desquels renverser Macron et son monde. Les espaces réels sont, par exemples, des cafés associatifs et des entreprises, des immeubles et des villages, des champs et des forêts, dans lesquels s’expérimente la communion. Les espaces théoriques, indispensables, sont des livres, des textes et des discussions à mener pour rendre pensables nos gestes, et surtout pour nous ouvrir à ce qui vient, aux événements historiques et aux exigences de justice sociale et écologique qui nous appellent. Les espaces imaginaires sont ceux du monde auquel on rêve, de l’utopie qui borde nos gestes. Ils sont des fictions agissantes, qui rendent un monde désirable et un autre détestable, dès maintenant.

Pour nous chrétiens, « le ciel nouveau et la terre nouvelle » aperçus par Jean dans l’Apocalypse ne peuvent être un arrière-monde où nous réfugier pendant que dans ce monde-ci retentissent la clameur des pauvres et la clameur de la Terre, ils sont ce que nous entrevoyons ici et maintenant, ce pour quoi nous vivons, luttons et aimons.

Collectif Anastasis