Samedi 28 septembre 2019, les proches de Marion Maréchal ont réuni un millier de personnes dans le 15e arrondissement de Paris. Leur opération médiatique, idéologique et politique est porteuse d’une instrumentalisation du catholicisme.
Article initialement publié le 07/10/2019 sur le site du Monde
Les passions les plus basses alliées aux appétits de pouvoir les plus féroces ont entrepris une instrumentalisation en règle du catholicisme en vue d’une mise sur orbite politique de Marion Maréchal. Des catholiques affichés comme tels soutiennent activement et promeuvent cette entreprise.
Qu’est-ce qui justifie de parler d’une « instrumentalisation du catholicisme » ? Tout simplement le fait que le référentiel catholique est invoqué sans que jamais n’apparaissent des notions et des figures qui lui sont organiquement attachées et sans lesquelles il n’a aucune substance réelle : la foi, l’Evangile, le Christ. A aucun moment n’est évoquée ou pensée la seule révolution promise par le catholicisme : la révolution des structures d’oppression et des regards par la puissance d’un amour puisé en Dieu.
Les discours passent allègrement outre tous les vrais défis d’une existence qui cherche authentiquement et humblement à être chrétienne et qui font de la religion catholique une voie éminemment exigeante, passionnante, problématique : la conversion du cœur, la recherche spirituelle, le souci de justice. A ces conditions, ils flottent nécessairement dans une sphère imaginaire où ils ne rencontrent que leurs tristes reflets.
Ils se prétendent les étendards de la civilisation, mais ils sont en réalité les fossoyeurs de ce que notre civilisation conserve de foi, d’espérance, de charité. Cela ne fait pas pour autant de leurs adversaires, précisons-le, des penseurs aboutis possédant des solutions définitives aux problèmes de notre société.
La référence au catholicisme est ici purement de conquête. Elle vise à créer une aura de sacralité autour d’un mouvement qui vise la prise du pouvoir institutionnel à moyen terme. Une telle référence est idolâtre dans son principe. Elle masque les passions les plus tristement communes : soif de pouvoir et de gloire, rage de vengeance, volonté de puissance.
La référence au catholicisme est ici purement d’identité. Elle vise à créer de l’homogénéité et de la cohésion dans une société où le lien social est abîmé. Qui ne souscrirait pas au besoin d’unité et de communautés fraternelles qui se manifeste aujourd’hui ? Mais dans la foi chrétienne, l’unité ne s’impose pas à travers la colère ou la violence. Elle se reçoit de Dieu et l’universel de son message se démontre en pratique, d’abord à une petite échelle.
La référence au catholicisme est ici purement de guerre. Le plus faible – le migrant – est présenté comme l’envahisseur envers lequel la peur instinctive et le rejet violent font figure de seules réponses légitimes et efficaces. « Vous avez raison d’avoir peur ! », s’exclame Eric Zemmour devant un parterre de visages rigolards. Déclarer la guerre aux plus faibles : tout un programme antichrétien. Autre figure visée : le musulman présenté comme la cause de notre déroute multiforme. S’il est faux de voir mécaniquement dans le musulman une figure opprimée, il est encore plus faux de voir en lui la quintessence de la haine.
Il nous appartient, catholiques, de nous mobiliser et de nous organiser pour tenter d’incarner l’Evangile et faire de cette incarnation une présence suffisamment forte pour être perçue et reconnue. C’est la seule façon de combattre ce type d’ennemis. Nous devons résister de toutes nos forces à ce rôle d’idiots utiles dans lequel ce mouvement cherche à nous placer en flattant nos pires tendances. Ma conviction est que tout projet politique disant prendre au sérieux le catholicisme mais évacuant la difficile et jamais close question de la mise en pratique concrète de l’Evangile est une duperie.
Foucauld Giuliani