Hier, le 20 novembre, le pape Léon a fait un déplacement en Ombrie, cette région qui a vu naître, au long de cette période si révolutionnaire pour le christianisme latin que fut le XIIIe siècle, l’ordre de François et l’ordre d’Augustin. Au programme, deux événements majeurs, qui en disent long sur l’orientation que Léon entend donner à son pontificat : une prière devant la tombe de Saint François, à Assise, et un déjeuner avec les sœurs augustiniennes de Santa Chiara della Croce, à Montefalco.
Sous le signe de François, le pape fait d’abord le choix du recueillement devant ce poverello qui, « il y a huit siècles, provoqua une renaissance évangélique chez les chrétiens et dans la société de son temps » (Dilexi te, § 7). Ce jeune « riche et arrogant », bourgeois, altier, vivant dans le confort de son statut que les injustices sociales n’ont pas atteint, voilà qu’il renaît « après avoir été confronté à la réalité de ceux qui sont exclus de la société » (Ib.), en changeant l’histoire de l’Église. Le pape Léon n’a pas peur de rappeler que « le Concile Vatican II, selon les paroles de saint Paul VI, est sur cette voie : “L’antique histoire du bon Samaritain a été le paradigme de la spiritualité du Concile”. À peine un peu plus d’un mois s’est-il écoulé de ce 4 octobre qui a inspiré au pape l’exhortation apostolique Dilexi te, que celui-ci ressent déjà le besoin de se recueillir auprès du saint qui, grâce au pape François, a rejoint le XXIe siècle avec Laudato si’ et Fratelli tutti : la défense de la nature et de la fraternité universelle contre l’exploitation et l’individualisme capitalistes.
Sous le signe d’Augustin, le pape fait ensuite le choix d’un simple déjeuner avec les sœurs augustiniennes de Montefalco, ce petit bourg habité par quelques milliers d’habitants, ce signe de la périphérie où l’Esprit n’est pas étouffé par les impitoyables logiques de surveillance et répression des centres, où le pouvoir se vit, se forme et se concentre. Au lieu de manger à la table des puissants, Léon partage le pain et le vin avec une dizaine de sœurs, dans un tout petit monastère au milieu d’une nature vigoureuse, éblouissante, apprivoisée par les hommes dans le travail respectueux qui était celui des paysans avant la table rase du capitalisme.
Après avoir prié sur la tombe de saint François, Léon aurait confié aux frères d’Assise : « soyez toujours, à travers votre vie, ces signes d’espérance, de paix et de fraternité dont le monde a tant besoin ». Il aurait dit à l’assemblée de la Conférence des évêques d’Italie, qu’il a visitée au début de son déplacement : « Marchez ensemble. Avec une présence de l’Église qui sache soutenir l’espérance des personnes en ce temps si fragmenté et divisé en allant à l’essentiel ». Monseigneur Ivan Maffeis, archevêque de Pérouse, a ajouté que le Pape les a invités à « repenser la présence de l’Église à travers l’organisation du territoire en regardant toujours à une collaboration factuelle, ouverte et disponible à marcher avec les hommes d’aujourd’hui ».
En somme, le Pape n’a fait que rappeler que l’Église est l’Église du Vatican II, dont la spiritualité est inextricablement liée à « l’antique histoire du Bon Samaritain », une Église dont la mission est de contribuer à « l’unité du genre humain » (Gaudium et spes § 1) en partant humblement de là où on vit, en prenant toujours la défense des pauvres et des marginalisés de ce monde. Encore une fois, on voit mal en quoi l’Église catholique serait prête à assumer le rôle de « religion d’État » ou de « gardienne de l’identité » que l’extrême droite lui demande. Ce déplacement du Pape, ses actions, ses déclarations ne laissent pas planer de doute sur l’orientation générale de l’Église, qui, loin de vouloir renouer avec la longue et controversée histoire des liens avec l’État-nation, a clairement emprunté le chemin du Bon Samaritain, c’est-à-dire de la rédemption de ce monde scélérat en dehors de tout pouvoir.
Francesco