Cette recension a d’abord été publiée dans la revue Études : Troude-Chastenet, P., Études, Juillet-Août (7-8), p. 143-144.
Un essai théologique qui commence par une citation de Jacques Ellul et qui s’achève par une recette de galettes eucharistiques devrait mériter l’attention. Le sujet peut sembler trivial alors qu’il est au cœur de la foi chrétienne. Faut-il rappeler à celui qui en douterait les paroles prononcées par Jésus ressuscité : « Venez déjeuner » ? N’est-ce pas là une façon d’affirmer sa condition de vivant et, par là même, de témoigner que le salut ne vise pas que la pointe de notre âme ? Pourquoi ces paroles mystérieuses : « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang » ? N’y aurait-il pas un paradoxe à soutenir que l’eucharistie est la vraie nourriture et la vraie boisson alors que le pain et le vin sont aujourd’hui le fruit chimique de l’agro-industrie ? Comment prétendre célébrer la vie, ici et maintenant, avec un vin et un pain de mort ? La bouteille et la baguette achetées en supermarché sont des réalités muettes n’exprimant plus rien que l’acosmologie moderne. Si notre monde est privé de toute signification, il ne faut pas s’étonner que le sacrement du pain et du vin perde aussi la sienne. Faire de la présence réelle du corps du Christ dans l’eucharistie un simple résultat à atteindre en fermant les yeux sur les moyens utilisés, c’est la concevoir de façon technicienne. Or, la technique n’est pas neutre et il convient de rapatrier la fin dans les moyens. Le salut n’a pas à nous extraire du monde mais à l’assumer. Si les mots suffisaient, le Verbe ne serait pas incarné. La conversion ne se joue pas seulement dans les têtes. Ce n’est pas d’un « plan bio » pour les messes dont l’Église a besoin mais d’une rupture avec l’idolâtrie de la puissance technicienne pour « opposer l’eucharistie à la marchandisation du monde ».